Vendredi 27 novembre 2015
Quelque chose a changé...
Quelque chose a changé...
Peut-être que je me fais
des idées... mais tout de même...
Je sortais du resto, je
marchais vers l'arrêt de tram pour rentrer à la maison. Au milieu
du grand carrefour en face du Mac Do, un jeune, debout sur le
trottoir devant le feu rouge, une pancarte à la main, en train de
faire la manche.
Rien d'ostentatoire, il
n'allait pas comme certains font souvent se placer à coté de la
portière du conducteur, mendier devant sa vitre en récitant la
litanie habituelle (s'il vous plait, pour manger, etc...), et se
heurter au mieux au « non » de la tête fait d'un air
désolé, au pire aux yeux qui se baissent pour éviter son regard,
ou qui se détournent en faisant comme s'ils ne le voyaient pas... Non,
il était juste là, debout, immobile, sa pancarte à la main,
regardant droit devant lui. Il frissonnait dans son jogging gris
resserré aux chevilles, je n'ai même pas fait attention sur le
coup, avait-il un blouson, ou était-t-il simplement en sweat-shirt ?
En tous cas il ne faisait pas chaud, je supportais mon anorak, et lui
devait être debout là , dans le froid, depuis des heures
peut-être...
Ce n'était pas un de ces
roms basanés, il avait les cheveux clairs, des yeux bleus...
J'attendais de l'autre
coté de la rue que le piéton passe au vert, et c'est là que j'ai
assisté à cette scène un peu surréaliste :
Le passager de la première
voiture arrêtée au feu rouge a baissé sa vitre pour lui tendre
quelque chose, et puis était-ce avant ou juste après, je ne sais
plus, un piéton qui avait plus d'audace que moi avec mes béquilles
et qui traversait avant le signal lui a tendu une pièce au passage,
alors que le jeune homme ne s'adressait pas spécialement à lui,
peut-être même qu'il ne l'avait pas vu parce qu'il arrivait presque
dans son dos. Et un autre piéton, qui arrivait en face a fait de
même, quasiment en même temps... Et alors que déjà j'avais du mal à le croire, ça a continué :
Une voiture était arrêtée
sur une autre voie pour tourner à gauche, sa file était bien 10 ou
20 mètres en retrait du carrefour, le passager à ouvert sa vitre et
lui a fait signe d'approcher, et il lui a donné quelque chose, alors
qu'on ne lui demandait rien directement... C'est carrément lui qui a
sollicité le jeune homme pour qu'il s'avance vers lui...
Alors
que d'habitude les gens détournent le regard pour ne pas donner quand on
leur demande, là on avait l'impression que les gens donnaient
spontanément et de bon cœur, sans qu'on leur demande rien... que ce
soient les piétons où la 2ieme voiture, le gars ne s'adressait pas
directement à eux avec sa pancarte, il ciblait vraiment la première
voiture arrêtée au feu, mais ils lui ont donné quand même...
Comme si les événements des semaines précédentes avaient changé quelque chose dans l’état d'esprit des gens, et qu'ils se sentaient plus solidaires qu'avant.
Comme si les événements des semaines précédentes avaient changé quelque chose dans l’état d'esprit des gens, et qu'ils se sentaient plus solidaires qu'avant.
Quand
le piéton est passé au vert, en traversant je me suis arrêtée sur
le terre plein central à sa hauteur, j'ai fait le détour pour
passer devant lui voir ce qu'il y avait écrit sur sa pancarte :
sans surprise, il y avait quelques mots comme « J'ai faim,
quelque chose pour manger s'il vous plait, merci »
Je
me suis arrêtée, et je lui ai posé quelques questions. Il parlait
bien le français, en tous cas il a compris tout ce que je lui disais,
et il avait juste un petit accent. Il m'a répondu qu'il était
Hongrois, qu'il avait 23 ans, et qu'il cherchait du travail... J'ai
enlevé mon sac à dos de mes épaules pour chercher dedans, et je
lui ai donné le dernier ticket resto qui me restait.
Je
suis repartie, avec un sentiment d'inachevé, j'ai regretté de ne
pas avoir prolongé ce petit échange, de ne pas lui avoir demandé
où était sa famille, si elle était en France aussi ou s'il était
seul... Après j'ai pensé que j'aurais aussi pu lui proposer d'aller
boire un café pour se réchauffer un peu... Pour une fois que je
n'étais pas pressée, je n'avais rien de mieux à faire de mon après-midi...Mais j'ai pensé à tout ça après, j'étais déjà
repartie vers l'arrêt de tram en boitillant sur mes béquilles.
Alors
oui, peut-être que je me fais des idées... peut-être que ce n'était
qu'un hasard, si j'ai assisté puis pris part à cette scène qui en d'autres temps , (il y a 1 mois à
peine, pas besoin de remonter plus loin) m'aurait semblée
surréaliste... Mais j'ai plaisir à croire que ce n'est pas un
hasard... que cela a vraiment existé, là, devant mes yeux... que
les gens, vous, moi, tout le monde, ont retrouvé un peu de cette
humanité qui fait tellement de bien... Même si ça ne durera sans
doute pas très longtemps...
Je
m'effraie de penser que ça risque tout de même de durer … et que
chaque regain ne sera que la conséquence d'un nouvel attentat...
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